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J'avais tout prévu Page 1 sur 8

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1J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Empty J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Mar 28 Juin - 10:21

Pascal


Admin

J’avais tout prévu



J’aurais dû m’en douter. J’avais tout prévu, pourtant : le jour, l’heure, le costume, les papiers, le vocalisateur, etc. Mais on oublie toujours un détail, et un détail peut parfois être… de taille !

Mais peut-on réellement prévoir l’imprévisible ? S’approcher au plus près, oui, bien sûr, n’est-ce pas le propre de la science ? Affiner, régler, préciser, toujours plus, réduire au minimum les incertitudes, diminuer les risques, éliminer le doute, et prendre une décision finale, parfois fatale : ça passe ou ça casse.

De mon côté, j’avais toujours eu tendance à peser le pour et le contre, prendre du recul (pour mieux sauter ?), envisager les points négatifs et les points libérateurs, tout cela au détriment d’une certaine spontanéité, d’un brin de fantaisie. J’étais tellement dans la projection, dans le futur immédiat, à court et moyen terme, qu’il m’en arrivait parfois d’oublier de vivre le temps présent, de contempler le « maintenant ». Et pire peut-être, je n’analysais sans doute pas suffisamment l’avenir à long terme, celui qui au soir de ma vie me ferait me retourner sur ce passé que j’habitais à l’heure actuelle, en me posant la question : « As-tu vécu ? »

Jusque-là, tout s’était parfaitement déroulé :
Masque J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Coche110
Gants noirs J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Coche110
Cagoule noire J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Coche110
Pistolet factice J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Coche110
Veste « Sécurité » J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Coche110
Boîtier modificateur de voix J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Coche110
Boîtier pour capter les fréquences J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Coche110

Mais si j’avais été plus vigilant, j’aurais dû me douter que quelque chose clochait après avoir appuyé sur l’interphone du portail de la villa. En effet, rétroactivement, on peut toujours refaire le monde ou extrapoler sur ce qui aurait pu ou dû se passer. Mais c’est sur le moment présent que l’on se doit d’être concentré, et c’est en amont que l’on doit envisager toutes les hypothèses.

Normalement, le comte cloué dans son fauteuil roulant aurait dû mettre près de deux minutes à se déplacer du salon où il se trouvait avant d’arriver près de son boîtier interphone. D’après mes conjectures basées sur une rigoureuse observation, le vieil homme devait tout juste émerger de sa sieste qui suivait un déjeuner froid composé de galette de sarrasin et de compote de mangue. Je suis sûr qu’il aurait préféré un repas chaud à cette époque de l’année, mais je l’imaginais mal faire un barbecue dans son salon.

Je fus brusquement tiré de mes pensées, car une vingtaine de secondes seulement s’étaient écoulées lorsqu’une voix nasillarde me demanda : « Qu’est-ce que c’est ? » Question très ouverte à laquelle j’avais heureusement ma réponse.
J’avais tout prévu, je vous dis, et ce micro-incident chronométrique ne me parut pas suspect. Je répondis, grâce à mon modificateur vocal, d’une voix tout aussi contrefaite : « C’est la sécurité, Monsieur le Comte.

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Dernière édition par Pascal le Mar 13 Fév - 11:15, édité 2 fois

Pascal, Candide et Fée Clochette aiment ce message

2J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Empty J'avais tout prévu 2 Sam 2 Juil - 10:57

Pascal


Admin

- Mais pourquoi, que se passe-t-il ?
- On nous a signalé des cambriolages dans le quartier.
- Ah mon Dieu ! Et mon majordome qui n’est pas là !
- Nous devons vérifier votre système de sécurité dans les plus brefs délais, Monsieur le Comte. Des pirates informatiques ont très bien pu dérégler votre configuration.
- Comment ? Quelle configuration ? »

Aïe, le comte était réticent à mes arguments, ou alors il se montrait plus bête qu’il ne l’était. Très bien, option B. J’avais tout prévu, de toutes manières.
Oui, j’avais épié durant des semaines les allées et venues de la Rolls’n Rocks, et j’avais repéré non seulement le jour de congé du majordome, mais aussi les horaires très régulières des sorties, ce qui m’avait permis d’être à quelques centimètres du récepteur commandant l’ouverture du portail de la propriété, à l’instant même où la Rocks revenait. Lorsque le majordome appuya sur la télécommande d’ouverture, je déclenchai mon capteur de fréquence, qui enregistra le code. Magique.

C’est ainsi que je pus ouvrir le portail avec mon répétiteur de fréquence, puis pénétrai dans l’enceinte du magnifique parc ombragé qui sentait bon la retraite bien méritée. Je gravis les huit marches du perron en vieille pierre grise un peu moussue sur les bords, il faudrait que j’en touche un mot au comte pour qu’il transmette à son factotum, cela pouvait être dangereux. Mais finalement, non, ce n’était pas mes affaires.

Ne me restait plus qu’à répéter le même laïus à travers la porte du pavillon et à justifier que, faisant partie de l’équipe de sécurité, j’avais l’autorisation d’ouvrir le portail.

À peine eus-je sonné à la porte que celle-ci s’ouvrit, me laissant à peine le temps d’enfiler ma cagoule. Quant à mon pistolet, il dût rester au chaud dans ma poche, car une surprise de taille m’attendait !

Le vantail s’entrebâilla (le dormant était-il fatigué ?), et une main, gantée de noir, pointa un pistolet dans ma direction !
« Haut les mains ! » suggéra la voix nasillarde. Il me sembla que répondre à cette injonction fût appropriée et pleine de bon sens, et je m’exécutai vivement.
« Entre, dépêche-toi ! »
Choqué et tremblant de peur, j’obtempérai à cette seconde consigne qui manifestait un discernement certain. La voix nasillarde devait appartenir à un homme plein d’à-propos.

La porte ouverte quelques secondes, le temps que je m’engouffre dans le couloir les mains en l’air (entendons-nous : c’était moi qui avais les mains en l’air, pas le couloir), j’aperçus ce personnage, un homme sans doute, vue sa corpulence, qui m’accueillait si gentiment, le pistolet à la main, entièrement vêtu de noir, chaussures, pantalon, veste, gants, lunettes et cagoule noirs. Seules les chaussettes étaient gris anthracite, dénotant un brin de fantaisie. C’était même carrément carnaval, le type devait être un boute-en-train.

Pour un peu, je me serais cru devant mon reflet ! Sauf qu’apparemment, il n’y avait pas écrit « Sécurité » au dos de sa veste.

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Dernière édition par Pascal le Mer 7 Fév - 18:18, édité 1 fois

Candide et Fée Clochette aiment ce message

3J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Empty J'avais tout prévu 3 Lun 4 Juil - 11:05

Pascal


Admin

Il posa un doigt sur ses lèvres, seule partie de peau visible, pour m’indiquer de faire silence, et, passé dans mon dos, me fouilla, me délestant de mon pistolet et de mes boîtiers.
Puis, d’un geste armé menaçant, il m’indiqua d’avancer, ce que je fis, bien entendu (enfin, façon de parler ; disons : bien vu).

C’est vraiment à partir de là que je commençai à regretter d’avoir endossé cet uniforme de vigile. Si l’homme masqué me prenait pour un véritable agent de sûreté, c’est ma courte vie de gardien qui ne serait pas en sécurité !

De sa main gauche, l’homme cagoulé me montra le premier vantail du couloir, et me pressa de m’y diriger de sa main droite empistolée.

J’obéis bien docilement, et pénétrai discrètement dans la pièce, qui sentait bon le feu de bois, tout en réfléchissant à la manière dont je pourrais lui parler, puisque je devais apparemment rester muet. Dès la première occasion, je lui avouerais que je n’étais pas un vrai gardien de sécurité. Et comme, après tout, nous avions eu tous les deux la même idée, qui était de profiter du jour de congé du majordome, ce plan génialement similaire ne pouvait que nous rapprocher, n’est-ce pas ?
Mes prévisions légèrement modifiées (j’avais bien sûr prévu une ou deux variations, exceptions confirmant la règle) me laissaient présager un avenir bien plus confortable. Je décidai alors de ne plus avoir peur.

Hélas, ce que je vis ne me rassura guère. Face à la cheminée, la tête penchée sur son épaule, un vieil homme assis dans son fauteuil roulant semblait dormir, mais dormait-il vraiment ?
Je soupçonnai le pistolet encagoulé d’être intervenu avec la douceur du marteau-pilon redonnant une seconde jeunesse à une tôle ondulée.

Alors, tout se déroula en un éclair. Jusque-là, l’atmosphère était irréelle, feutrée, le silence régnait en maître. Cela ne dura pas.
Un bruit étrange se fait entendre dans la cheminée, un grincement rouillé, et par une ouverture apparue dans le manteau, une bûche émerge, poussée par une espèce de broche griffue, tandis qu’une seconde broche griffue, venue de l’autre côté, vient envelopper le bout du rondin. Lorsque la bûche est pile au milieu de l’âtre, les griffes s’écartent, laissant tomber le bois pile sur les chenets. Je m’étais demandé comment un vieil homme cloué dans son fauteuil avait pu alimenter son feu. Pratique, ce fourni-bûche !

Pratique, mais légèrement bruyant, car ce doux fracas a réveillé le comte. J’en suis par ailleurs soulagé : il n’a pas subi de dommages physiques.

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Dernière édition par Pascal le Mer 7 Fév - 18:23, édité 1 fois

4J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Empty Page 4/8 Jeu 7 Juil - 10:19

Pascal


Admin

Le vieil homme aperçoit sur sa gauche l’homme à la cagoule, et pousse un cri plutôt étranglé. Le cambrioleur braque son pistolet sur le comte, qui lève les bras au-dessus de sa tête.
Je suis à quelques mètres derrière lui, et si le comte ne me voit pas, en revanche je perçois très bien son petit manège.
Sa main droite attrape son poignet gauche, et appuie dessus à trois reprises.
Aussitôt retentit une sirène : le comte a déclenché l’alarme grâce à un nouveau système de prévention : il porte un bracelet anti-intrusion, dont la fréquence déclenche l’alerte et prévient le commissariat instantanément.

Le malfrat passe de la stupéfaction à l’hystérie :  saisissant son pistolet par le canon, il assomme le vieillard, qui s’écroule dans son fauteuil. Ouille ! J’espère qu’il a une bonne mutuelle !
Quel sort vais-je donc maintenant subir, moi ? Je n’en mène pas large, et je regrette amèrement d’avoir choisi le même jour que le cambrioleur, moi qui avais tout prévu, sauf ce coup du sort incroyable !

Mais les surprises s’enchaînent. Le bandit regarde le bracelet du comte et s’écrie de sa voix nasillarde : « Mais il ne l’avait pas ce matin ! »
Chose étonnante, il n’a pas besoin de boîtier modificateur pour altérer sa voix. Elle imite naturellement le canard (boiteux).
« Il a dû faire installer ce système en mon absence, le bandit ! »

Dépité, il ôte sa cagoule, et je reconnais… le majordome ! Revenu plus tôt de son déjeuner familial, pour profiter de sa propre absence ! C’est absurde comme phrase, mais je n’ai pas le temps de développer une rhétorique.
Il jette sa cagoule dans la cheminée, saisit son pistolet par une serviette, enlève ses gants, les balance dans le feu, appuie sur la télécommande qui ferme le foyer à l’aide d’une baie vitrée, pose le boîtier sous un pied de chaise, et crac ! détruit la télécommande dans un bruissement sec.

Il s’approche de moi, aïe aïe aïe ! Que va-t-il me faire ?
Dehors, on entend hurler une sirène de police. Nous sommes pris au piège.

Le majordome refouille mes poches (j’ai compris plus tard qu’il y glissait la clef de la maison), s’écarte, et soudain, chose stupéfiante, se frappe le visage avec le pistolet, puis me force à le saisir (le pistolet, bien sûr, pas le visage ni le malfrat).
Ensuite il s’allonge tranquillement sur le sol, en me regardant avec un petit sourire narquois, au fond duquel je décèle également une pointe d’écrasante compassion signifiant : « Tu es fichu, mon gars ! »

Qu’est-ce qu’il fabrique ? Il ne va pas s’en tirer comme ça, ce n’est pas possible ! Tout le monde sait qu’à cette heure-là, il devait être à son déjeuner familial, il va donc être le premier soupçonné… et moi son complice ! Pire, je vais être accusé de coups et violences sur les deux locataires du pavillon !

Et je ne peux plus me débarrasser de mes objets compromettants, la cheminée est hermétiquement fermée. Bien joué, major ! J’ai trouvé, si ce n’est plus prévoyant (vu qu’il n’avait pas pensé que je viendrais contrecarrer ses plans), du moins meilleur improvisateur. Chapeau ! En l’occurrence : cagoule !

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Dernière édition par Pascal le Mar 13 Fév - 11:16, édité 1 fois

Fée Clochette aime ce message

5J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Empty J'avais tout prévu 5 sur 8 Dim 11 Fév - 12:16

Pascal


Admin

Je braque le pistolet sur lui en lui criant : « Debout ! Haut les mains ! Assis couché au pied recule ! » (Je n’ai jamais été très fort pour donner des ordres). « Allez, debout, quoi ! »
À peine ouvre-t-il un œil persifleur et secoue-t-il une tête ironique qu’il replonge dans son simili-coma facétieux.
Je ne vais quand même pas lui tirer dessus ! De toutes façons, après avoir regardé le pistolet droit dans les yeux, je m’aperçois qu’il est aussi factice que le mien !
Ce sera la parole du majordome contre la mienne, autant dire que je vais porter bientôt un gros chapeau à la place de ma cagoule !

En effet, au cours de l’instruction, le majordome affirma que, rentré deux heures plus tôt que d’habitude de son déjeuner hebdomadaire, il avait aperçu le portail béant, s’était rué à la porte d’entrée de la villa, qu’il avait trouvée également ouverte. Inquiet pour son bon maître, il s’était précipité à son secours, mais l’avait trouvé malheureusement déjà assommé par un homme au faux blouson de vigile. Le majordome avait ensuite un vague souvenir d’avoir été frappé au visage par un objet qui devait être un pistolet, il n’en savait pas plus, « Je vous le jure votre Honneur. »

Il était bien sûr totalement exclu de penser que le majordome puisse être mon complice. Comment m’étais-je retrouvé en possession de la clef de la maison ? D’après le majordome, sa clef avait disparu le jour même, je lui aurais donc volée. Où, quand, comment, peu importait. On tenait le coupable, inutile de chercher plus loin.

Au cours d’un procès bâclé par une justice aveugle du cerveau, mon avocat, un brave homme nommé Deaufils, avait tout de même esquissé deux ou trois tentatives de défense, qui étaient restées comme autant de coups dans l’eau face à un adversaire bien plus expérimenté.

Il s’était ainsi risqué à évoquer la question du double pistolet factice. Pourquoi diable aurais-je eu besoin de deux armes pour mon cambriolage, souleva-t-il. Un seul pistolet suffisait. Mais la réponse de l’accusation fut cinglante :
« J’attendais l’évocation de cette aberrante hypothèse. Permettez-moi, cher confrère, de vous répondre en toute sincérité pour vous éclairer. Tout d’abord, vous n’êtes pas sans savoir qu’un objet, comme tout artefact, possède une fâcheuse propension à tomber en panne au mauvais moment.
- Mais voyons, répondit mon avocat, ces pistolets sont postiches. Ils ne peuvent pas tomber en panne, vu qu’ils ne fonctionnent pas !
- Bien sûr que si ! Toute fabrication artisanale ou industrielle peut subir tôt ou tard un dysfonctionnement.
- Mais pas un objet inerte !
- Cher confrère, là n’est pas la question. Envisagez plutôt le côté psychologique. Seul votre client savait que son pistolet était factice. Il l’a utilisé comme une arme dissuasive, et si jamais l’idée était venue à sa victime d’espérer une panne, il lui aurait montré qu’il en possédait un deuxième. Imparable ! Terrifiant !
- Le deuxième aussi pouvait tomber en panne.
- Écoutez-moi bien : tout le monde devrait savoir que sous la menace d’un coup de feu, il faut courir en zigzag pour réduire le risque d’être atteint par une balle. »



Dernière édition par Pascal le Mar 13 Fév - 11:16, édité 1 fois

6J'avais tout prévu Page 1 sur 8 Empty Page 6 sur 8 Mar 13 Fév - 11:14

Pascal


Admin

Le magistrat appuya ses dires d’un dessin projeté sur écran.

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